Il s’agissait d’une journée tout à fait banale pour les habitants de Citria… La ville était calme sauf dans une maison à l’orée de la citée. Les nouveaux unis Alexandre et Cassandre se préparaient à débuter la journée comme à leur habitude. Alexandre prit rapidement sa besace et partit en route vers son échoppe en ville avant que la jeune femme ne se mette à râler de la tristesse sur leur sort. En effet, elle n’avait pas encore réussi à lui donner un héritier et cela l’attristait au plus haut point. De plus, Alexandre était parfois insupportable : l’idée de n’avoir aucune descendance ne lui faisait pas plus plaisir.
Puis, quelques minutes après le départ du forgeron, la jeune femme sortit prendre une bouffée d’air comme elle avait l’habitude de le faire avant de débuter sa journée mais quelque chose vint détruire la routine dans laquelle le couple vivait.
En effet, la famille Vail eut une visite inattendue. Un nouveau-né enveloppé dans des haillons porteur d’un message d’espoir fit son apparition devant la porte de la maison. Cassandre ne savait quoi faire de lui; devait-elle attirer l’attention du Clergé sur le sujet, ou devait-elle remercier Odéon de lui confier le bambin et d’en faire son propre fils ? Elle amena le bébé à l’intérieur, curieuse de savoir qui avait bien pu laisser la jeune créature à sa porte et y remarqua une missive.
« Prenez soin de mon enfant et pardonnez mon geste. »
La missive ne portait aucune signature et l’interrogation qui se dessinait dans le visage de Cassandre n’était que plus grande. Qu’est-ce qui pouvait bien pousser une mère à abandonner son enfant ainsi ? La peur ? Les menaces ? Elle ne pouvait le garder sans le consentement d’Alexandre alors elle l’attendit durant le reste de la journée, fixant le bébé et se questionnant toujours sur sa provenance.
Au retour d’Alexandre, celui-ci ne s’aperçut pas tout de suite qu’un invité était sur la table de la cuisine, il ne remarqua pas non plus l’étrange expression faciale de sa femme. Il se contenta tout bonnement de demander ce qu’il y avait à manger. Il n’eut que pour seule réponse, un geste de sa femme. Un geste, désignant l’enfant devant lui.
« - Il est hors de question que nous le gardions !
- Mais il a été abandonné par sa famille et nous n’avons nul autre endroit pour le loger…
- Nous le laisserons au Clergé, ils s’en occuperont et puis il fa…
- Il te faut quoi de plus? L’un de nous deux est incapable de faire un enfant et voilà qu’Odéon nous envoie sa bénédiction et son espoir afin que nous vivions ce qu’une famille normale devrait vivre ! La venue d’un enfant… »
Après quelques jours de réflexion et de débat mouvementé, le couple prit donc la décision de garder l’enfant sans annoncer sa présence au Clergé et de l’élever comme s’il était leur fils. On lui donna le nom de David et le couple ne mit que très peu de temps avant de le considérer comme leur propre enfant.
Puis, comme si le nouvel arrivant était signe d’abondance, les problèmes de fertilité et monétaires semblaient avoir disparus. La jeune Cassandre tomba enceinte de trois autres enfants qui furent élevés dans le secret sur la descendance de David afin que celui-ci soit traité comme n’importe qui dans la famille.
David eut une enfance ordinaire bien qu’il était moins actif physiquement que ses frères. Entre deux combats à l’épée, il préférait bouquiner de vieux livres poussiéreux plutôt que de continuer à se bagarrer comme ses frères. En fait, il les considérait parfois comme des rustres et tenta même de les éviter à quelques reprises.
Toutefois, le contraire s’appliquait à sa sœur Katheryne qui était plus jeune de quelques années. Il lui vouait une grande admiration. Elle devenait peu à peu une femme qui serait sans doute courtisée par plusieurs en Citria. Elle avait les manières et la grâce d’une noble sans doute dû à ses années de pratique à jouer la princesse en détresse avec David. En effet, il était surprotecteur à son égard. Lorsqu’elle avait des ennuis avec ses frères ou ses parents, elle ne cessait de faire appel à David afin qu’il prenne sa défense, ce qu’il faisait toujours. Cette immense admiration était partagée, comme si les deux enfants étaient persuadés qu’ils seraient les seuls à faire quelque chose de pertinent de leur vie.
Ce n’est que quelques années plus tard que le passé de David commença à hanter de nouveau sa famille. À plusieurs reprises au cours de leur vie, un homme masqué vint à la rencontre de Cassandre et d’Alexandre afin de leur réclamer l’enfant. Au départ, cet étranger n’apparaissait qu’une fois par année et le couple finissait par s’en débarrasser en n’ayant qu’à nier l’existence d’un bébé trouvé à leur porte mais avec le temps, l’étranger devenait plus insistant et ses visites plus régulières.
Jusqu’au jour où l’étranger arriva accompagné d’hommes de main afin d’intimider Alexandre. Il leur fallait celui qui avait été le jeune bébé déposé devant la porte de la maison des Vail. Ils le prendraient de force, maintenant qu’il était en âge de savoir se battre. David pouvait quitter le domaine familial d’une année à l’autre et ils ne pouvaient se permettre de le perdre à tout jamais à Citria.
Les ravisseurs avaient mal calculé leur coup, non seulement Alexandre était-il devenu assez habile avec son marteau de forgeron pour blesser quelqu’un, mais en plus, les frères de David qui avaient entendu les diverses altercations brandirent leurs armes et se lancèrent à la défense de leurs pères. David, quant à lui, entra dans la maison tentant de protéger les deux femmes de ces brigands.
Le combat se termina sans une goutte de sang, les couards prirent la fuite laissant le domaine Vail en paix. Le vieil Alexandre fit signe à tous de rentrer sauf à David.
« Mon fils, pars vivre ta vie en Citria, mêle toi à la masse et accomplit ton destin. Ne te soucies pas de cette maison, ces hommes ne savent pas ce qu’ils recherchent et tant qu’ils ne te voient pas ainsi, ils te prendront sans doute pour un autre Vail. »
Puis, Alexandre tendit une bourse à son fils.
« Je ne sais guère ce qu’ils te veulent mais ta vie sera plus en sécurité en ville. Là-bas, fais toi des alliés puissants qui sauront te protéger et t’apprends à te battre, cela rassurera ta mère. Nous partirons également pour Citria et tes frères nous suivrons. Ils défendront la maison et ta sœur durant ton absence.»
C’est avec une interrogation au visage qu’il lui répondit. Le jeune Vail ne comprenait définitivement pas ce qui se passait et semblait très embêté de devoir quitter sa sœur.
« Père… je ne peux quitter ainsi, je ne peux vous laisser seul. Je dois défendre ma famille également. »
Alexandre sortit une missive sale de sa poche et la tendit vers son fils.
« Si tu ne veux pas déshonorer ta famille, pars fais ta vie. Fais toi respecter, je veux que tous sachent que tu es bien un Vail. Fais honneur à ton vieux père..! »
Il serra fermement la missive dans sa main, sans la lire, et se tourna en direction de Citria en silence, puis après qu’il ait fait un pas…
« Mon fils, n’ouvre cette missive que lorsque tu seras en Citria. Je t’en prie… pardonnes-nous. N’oublies pas de ne jamais faire confiance à n’importe qui, la vie est différente en ville…»
À la fois enjoué et triste, le jeune historien ne répondit rien à son père et marcha la tête haute vers Citria. Une nouvelle vie allait commencer pour lui et il le savait. Jamais il ne regarda en arrière. Tourner la tête aurait été, pour lui, l’équivalent de regretter sa nouvelle vie, de déshonorer sa famille.
Chaque pas l’éloignant de sa sœur le faisait souffrir mais il savait comment la garder près de son cœur. Il apprendrait à se battre pour ses frères et tenterait de connaître le plus d’histoire possible pour la jeune Vail, afin que leur prochaine rencontre soit aussi captivante que les jours passés ensemble.
C’est ainsi que le jeune historien, David Vail, débuta son cheminement personnel en Citria alimenté par la soif de connaissance sur son passé.
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Jeu 01 Mai 2008, 12:04 am