La rumeur s'était répandue dans la Blanche Cité comme le feu suivant une trace de poudre sèche sur le sol d'une forteresse assiégée. La jeune femme qui arpentait les ruelles de la ville était en fait une princesse de sang royal, la dernière héritière de la lignée des d'Hastanie. Qui ne l'avait pas vue, portant sa petite boite dorée, l'ouvrant pour faire entendre la douce mélodie emportant le couple dansant à qui tentait de l'aider. La jeune femme d'une vingtaine d'année semblait tout aussi fragile qu'un coquelicot égaré sur une terre aride.
Un soir, alors qu'elle partageait une tablée bien fréquentée de la taverne de Citria, elle montra une fois de plus sa petite boîte, gardant l'espoir de retrouver son identité perdue. Guidée jusqu'au palais, elle disparu derrière les lourdes portes. Des rumeurs prétendent que son identité fut retrouvée en comparant les symboles de la petite boîte dorée avec les archives royales. D'autres prétendent que la mémoire lui serait revenue en parcourant les couloirs du palais. Quoi qu'il en soit, la lumière éclairait petit à petit son passé.
A chacune de ses sorties du palais, l'on pouvait la voir changée. Sa posture, sa démarche, ses gestes, sa paroles, tout en elle se métamorphosait petit à petit vers la princesse qu'elle était de par son sang. Les réflexes de sa toute jeune enfance lui revenaient petit à petit. Elle murissait, s'affermissait à vue d'oeil. Tout aussi rapidement que les protecteurs et paladins l'accompagnant à chacun de ses déplacements.
Un jour, alors que la vie allait de bon train à Citria, un cri strident jaillit du palais. Ce cri résonnait comme crispement au coeur de ceux qui connaissaient la princesse, et avaient fait voeu de la protéger jusqu'à la mort. Accourant de toute part pour venir à sa rencontre, quérir de ses nouvelles, l'atmosphère autour des archives était glaciale. La princesse tremblante comme mal vêtue dans un blizzard soudain, un ombre se déplaçant aussi vite qu'un guépard en pleine course. Il fallait quitter le palais, qui n'était maintenant plus un lieu sûr. Cherchant refuge à la Cathédrale de Citria, sanctuaire supposé inviolable d'Odéon, le groupe entoura la princesse de leurs corps unis. Mais l'ombre apparu au presbytère, se tenant droite et silencieuse, grise et dénuée de vie. Même la torche que le supposé homme tenait à la main n'émanait qu'une lumière glaciale blessant les yeux de sa tristesse. Il s'en suivit un long combat, chamboulant les fondations même de l'énorme édifice religieux. Le prince déchu, Loïc de Montblanc, quitta alors les lieux, laissant derrière lui des corps exténués par les nuages de poisons se dissipant petit à petit.
Il fallait un plan, une arme, un espoir de le vaincre. Cet espoir se retrouva dans la sainte épée des d'Hastanie, forgée par un roy de cette lignée dont il ne restait plus que la princesse Anastasie en vie. La relique se trouvait enterrée au rez-de-chaussée de la cathédrale, enfouie sous la terre dans un reliquaire boisé. N'écoutant que leur coeur, les vaillants et hardis compagnons de la princesse s'attelèrent rapidement à excaver le symbole de justice et de pureté, dont les âmes des précédents membres de la lignée royale renforçaient le pouvoir sacré.
Deux longues journées de garde plus tard, le reliquaire fut enfin ouvert. La clef demeurée cachée jusqu'à lors se trouvait être dans la petite boîte de la princesse, qu'elle gardait proche de son coeur, dernier vestige matériel de sa vie d'enfant royal. Désignant elle-même le jeune homme dont le coeur lui était resté fidèle tout au long de cet épopée, la princesse confia l'arme au Baron Richard Rimbaldi de Castelcerf. Il s'en ferait le porteur, et son bras allait devoir mettre fin à la haine qui avait tourmenté les deux familles royales de Citria: Les d'Hastanie et les Montblanc. Seule la sainte épée pourrait occire le prince déchu, le parricide, le corrompu du Mortulum, Loïc de Montblanc.
La princesse sortait maintenant rarement du palais. A chaque sortie, elle était fortement gardée et protégée, seuls les visages connus pouvant passer ses gardes du corps. Pétillante de jeunesse, l'air insouciante de nature, elle attirait facilement les foules à elle. Elle se faisait lentement connaître et aimer du peuple, telle la princesse qu'elle aurait du être, si sa famille n'avait pas été décimée par le traitre adopté.