Ce matin il y avait un long silence autour de la cathédrale. Cependant, quand nous y passions les portes, on pouvait entendre quelqu’un pleurer, dans le confessionnal. À l’intérieur de ce même confessionnal se tenait Jésabelle, assise sur la chaise, la tête acoté sur le mur de celui-ci. Les yeux rougit par les larmes, elle ne cherchait pas à retenir sa peine, celle-ci trop douloureuse pour être gardée à l’intérieur.
Elle avait tant répété aux autres de rester forts, de ne pas tomber...Elle avait dit ses mots machinalement, se forçant de montrer l’exemple et de demeurer droite malgré le malheur qui affligeait sa famille. Aujourd’hui, ses faux sourires étaient tombés pour laisser place à la détresse d’une femme trop lourde des sentiments qu’elle refoulait depuis trop longtemps. Jamais elle ne montrait aux autres la plaie qui s’agrandissait à chaque perte qu’elle subissait.
Ses bras tombaient mollement sur ses cuisses, n’ayant pas la force de retirer les mèches qui venaient de glisser devant ses yeux. Elle ne faisait que pleurer, elle pleurait les larmes qu’elle aurait du laisser tomber il y a de cela bien trop d’années...Elle pleurait comme une enfant fachée...
Elle pensa d’abord à sa mère biologique, Malycia. Elle était partie si tôt et pourtant c’est ce nom que Jésabelle murmurait quand elle était en détresse ; Maman..., cherchant en elle le réconfort d’une mère qui s’était battue pour ses passions, et ses amours. Chaque Hiver, elle allait placer des fleurs sur la tombe de sa mère qui dormait paisaiblement dans le cimetière de Citria. Elle l’aimait malgré qu’elle était étrangère à la personne qu’était véritablement Malycia en dehors d’une mère.
Sa machoir tremblait, toujours assise dans ce confessionnal où elle pouvait pleurer librement, cachée de tous. Elle caressait son chapelet, se rappellant qu’elle reposait en lieu saint et calme, désormais. Néanmoins, Jésabelle pleurait pour elle, car elle ne l’avait jamais pleuré autant, avant.
Elle pensa ensuite à Kiara, la bonne Kiara, qui l’avait aimé telle une mère et l’avait chérie comme une fille de son sang. Elle l’avait éduqué et lui avait montré tout ce qu’elle devait savoir d’une femme de Citria. Jésabelle avait tout fait pour rendre sa mère fière, elle avait tout donné pour lui prouver qu’elle était digne de porter son nom. Aujourd’hui nul ne savait où était Kiara, ayant laissé une simple lettre sans détails...Cette perte fut grande pour Jésabelle, car elle avait l’impression d’être impuissante face à tout ceci, et de voir son univers se dérober sous ses pieds.
Elle avait reçu en cadeau de sa mère, son titre de Vicomtesse. Ce titre était un poison en vérité, car à chaque fois qu’elle se faisait saluer à ce titre, elle se rappellait que Kiara n’était plus là, tournant alors un couteau dans son coeur qui y était déjà planté. Jésabelle pleurait également pour elle à chaude larmes, car elle l’aimait et qu’elle était consciente qu’elle ne pourrait plus jamais sentir la douceur de ses bras, et la tendresse de ses mains, séchant ses larmes, comme toujours.
Elle pensa par la suite, à Liam, qui à son tour était parti à la recherche d’un monde meilleur qu’il ne trouverait surment jamais, comme il était naif. Car il n’y a nul endroit plus réconfortant que la chaleur d’une famille et des gens qui nous aiment. Elle était consciente qu’elle ne le verrait que quelque fois durant sa vie, et cela était d’une insupportable horreure. Liam et Jésabelle avaient dévellopé un lien que peu de gens peuvent comprendre, un lien qui dépasse celui du sang. Liam et Jésabelle s’aimaient d’une façon inconditionnelle et ils se l’étaient toujours démontrés malgré les difficultés que la vie. Ils s’aimaient à n’en devenir malades et à n’en perdre raison.
Aujourd’hui, Jésabelle pleurait pour ce frère et cette douceur qu’elle ne pourrait que rarement effleurer. Elle lui avait fait ses adieux sur le pont et elle haissait cet instant comme nul autre. Le goût amer qu’elle avait en bouche depuis ce jour ne cessait d’alourdir la perte qu’elle endurait.
Elle pensa ensuite à Kasilius, qui l’avait abandonné au pire moment. Elle qui l’aimait depuis sa tendre enfance, qui avait grandit à ses cotés pour finalement partager avec lui un amour sincère. Ils avaient partagés tant de moments magiques, tendres...Et aujourd’hui il était parti, encore une fois, au moment où Jésabelle avait besoin de quelqu’un...Elle en avait assez...
Elle pleurait pour lui aujourd’hui, car il fut son premier amour, sa première passion, et sa première perte amoureuse...
Ses esprits vagabondaient, encore enfermée dans ce confessionnal où elle n’était pas prête de sortir, pas avant d’avoir cesser ses larmes et calmer ce visage tordu. Néanmoins le vide était si creux, il était si difficile de se sortir d’un trou qui ne cesse de s’agrandir...
Puis elle se mit à penser à la perte de Louen et Lorelei. Non pas pour elle-même, mais à la souffrance qu’elle lisait dans les yeux de son fiancé ; Richard. Elle aimait Louen et Lorelei comme des aspellors sincères, ayant eut eux comme exemple, le long de son apprentissage clericale, leurs pertes signifiaient qu’elle était maintenant seule, pour faire ses propres expériences et que c’était maintenant à son tour, d’apprendre et de transmettre de son mieux...
Toute ces pensés étaient bien égoistes. Cependant, ils étaient l’aboutissement d’une crainte qui s’agrandissait toujours et qui se concrétisait lentement. La peur d’être seule.
Elle mit du temps à sécher les larmes qui rongaient son visage pâle maintenant rouge. Elle sortit enfin du confessionnal en s’étant assurée de bien paraître. Elle se mit alors en chemin du palais où elle allait retrouver Lorelei et Louen qui dormaient paisiblement dans leurs berceaux. Elle se pencha et caressa leurs visages en paix, et innocents. Cette vision apaisait le coeur faiblit de la jeune Ambrosius. Elle savait que le destin de ces deux enfants allait ressembler à celui de leurs parents.
Elle esquissa un sourire doux et fatigué. En les voyant ainsi, elle se jura intérieurement de les aimer éternellement, et qu’ils ne seraient jamais abandonnés, comme elle le fut si souvent elle-même, par ceux qu’elle aimait...