[BG] Édouarian

Fils de malheur.

On m'a toujours dit que ce qui m'arrivait était le mieux pour moi. Pourtant, lorsque je regarde dans quoi je suis aujourd'hui, je pense définitivement et d'évidence, qu'il y a mieux.

À la toute base, je devais être un monstre. Non que j'étais difforme et laid à faire mourir, mais le poids que je donnais probablement à mes géniteurs était tel qu'ils eurent la brillance de me laisser dans un marché, dans un étalage de fruits. Je ne tiens envers eux aucune haine et je crois que jamais je ne chercherai à savoir de qui il s'agissait, parce que maintenant, je n'en suis plus là, et que j'ai bien d'autres priorités. Par contre, s'il y a une chose que je regrette, c'est de ne pas avoir pu comprendre l'expression du marchant qui me trouva cette journée là.

Le marchant Guillaume n'avait pas d'enfants, et je crois que c'est la pitié qui le fit prendre soin de moi les premiers jours de notre imposée rencontre. Je devais être âgée de seulement quelques mois et lui, en avait 60. Certes il approchait de la fin mais l'avidité avec laquelle il me cachait de tous lui donnait une certaine fougue.

Son conte de fée ne dura pas longtemps, car depuis que j'étais là, son commerce ne marchait plus aussi bien qu'avant. Les clients se faisaient réticents comme si quelque chose de maléfique hantait sa petite cabane en bois. Il était si facile de mettre la faute sur un bambin à peine capable de marcher.

C'est après un an de presque faillite qu'il décida de se débarrasser de moi. Tout comme mes parents, il ne fut pas des plus brillant quant' à la façon adéquate de se libérer d'un enfant. Il aurait pu m'emporter aux autorités en disant qu'il m'avait trouvé seul, mais il n'en fut rien. Il préféra se faufiler au travers d'une foule qui assistait à un mariage et de m'y laisser par "mégarde".

J'avais un an et je ne me tenais pas debout comme un champion. Je rampais encore, c'était bien plus facile. C'est une petite fille qui me remarqua en premier, elle devait avoir 6 ou 7 ans. Dans une sagesse déconcertante, elle me prit avec difficulté et me montra à ses parents qui eurent par réflexe, un mouvement de recul.

« Maman, est-ce que je peux le garder? s'il vous plaît, moi aussi je voudrais un bébé. »

Sa mère qui était enceinte ne pu que faire les gros yeux. Sa fille tenait un bébé dans ses bras et nul parent était à sa recherche, parmi cette foule. Elle me prit dans ses bras chaleureux et fit le tour des invités pour comprendre d'où je pouvais bien provenir. À sa grande déception, j'étais abandonné. Vous comprendrez bien que son instinct maternel n'eut pas d'autre choix que de m'emporter chez elle pour s'occuper de moi.

La maison était accueillante, contrairement au vieux guillaume qui n'avait jamais eut d'enfants et qui ne savait pas comment s'y prendre. La jeune femme savait comment s'occuper de moi et préféra taire la présence d'un étranger dans son foyer. Peut-être par peur de me perdre, où que je sois de nouveau seul en plein Citria.

Je suis resté moins qu'un an en leur foyer, parce qu'après la venue du mort-né de sa femme, le père de famille eut la facilité de jeter le blâme sur moi comme quoi je demandais trop d'attention et que sa femme ne s'eut pas assez reposé. Malgré les hurlements de sa femme qui l'implorait d'arrêter, sa colère était telle qu'il me prit sans douceur et sortit de la maison, la détermination aux pieds. J'avais mal au bras et je pleurais ce qui ne fit qu'attirer l'attention des passants horrifiés de voir un père ainsi traiter son enfant. À la première occasion, il me déposa sur les marches d'une chapelle.

C'est une vieille femme qui me trouva, ce matin-là, seul et en pleurs. C'est avec elle que j'ai fait mes premiers pas et dit mes premiers mots. Pour tout dire, c'est avec elle que j'ai passé le reste de mon enfance. Je me rappelle qu'elle sentait bon, et qu'elle dégageait une douceur que je n'avais jamais connu avant elle. Malgré sa bonté, elle n'avait pas échappé à la malchance que je projetais sur mon entourage. Son fils est mort durant un pèlerinage et elle perdu sa maison par faute de fonds et ne pouvait plus payer les taxes annuelles. La tristesse ayant envahit la veille femme, elle en est morte...

Aujourd'hui, j'ai 11 ans, et c'est son corps que je regarde partir avec les autorités. J'ignore ce qu'il adviendra de moi...c'est elle qui m'a tout apprit.