L'oiseau : Un os emplumé.
Et le chien grogne devant lui, fidèle à lui-même, ne souhaitant que l'enterrer le plus loin possible.
Oiseau :
Espèce pourvue d'ailes et de plumes. Teintes variées. Corps variés.
Ange :
Espèce pourvue d'ailes et de plumes. Teintes variées. Corps variés.
Or, en toute logique, l'ange est un oiseau, et l'oiseau est une proie, car l'oiseau est un os. L'os, lui, est le jouet d'un chien qui ne pense, à son sujet, à rien d'autre que de lui trouver un beau petit coin de terre pour l'enterrer. Une éternelle querelle entre chien et oiseau, entre chien et ange, qui est marquée par l'incessant besoin d'enterrer. De grogner. Et ça, aucun chien sur Teilia n'y fait exception. Or, la vue d'un oiseau le fait tout aussi grincer des dents que frémir de joie. Un étrange combat intérieur, qui mêle la haine à l’excitation. Il y a si peu d'oiseau à porter de pattes qu'on ne peut pas nier l'intrigue qu'il nous procure.
Il y a si peu d'ange à porter de main, qu'on ne peut pas nier l'intrigue qu'il nous procure. Mais même s'il est doux, s'il est beau, s'il est bon, il reste un ange, un oiseau, et il continue de faire grincer des dents. Une haine. Issue de la nature même, la nature canine, qui opposera toujours un chien à un oiseau, autant qu'à un chat. Une nature... discutable. N'empêche, c'est les faits, et un fait ne se change malheureusement pas.
Surtout quand l'oiseau n'y met pas du sien.
***
À la Cathédrale d'Adaelle, entre les paladins en armure reluisante et les fervents silencieux et bornés à leurs prières, l'adolescent se dressait. Ses habituels habits bruns sur les épaules, sa chemise cendrée, il était planqué au centre même de l'allée, plus ou moins devant l'autel. Les deux bras résolument fermés contre lui, d'un aspect boudeur, il s'élançait à haute voix :
- Hé ! Le vieil aigri !
À son cri, les fervents relèvent la tête, surpris, et dévisagèrent tous, à un moment ou à un autre, l'adolescent qui s'était exprimé.
- Sache que ! J'aurai pas besoin de ton aide de sitôt ! Que non ! Et ç'arriva jamais ! Le démon, j'l'ai eu tout seul, comme un grand ! Alors restes sur ton nuage, là-haut, là, et laisses mes oreilles tranquilles !
Et sitôt lancé, il serra d'autant plus ses bras croisés contre lui et fit claquer ses talons en se retournant d'un pas vif. Comme dernier regard à l'autel, il avait adressé un air insolent, comme on lui connaissait.
Si l'os était hors d'atteinte, c'était moins de travail pour l'enterrer. Moins de soucis pour savoir pourquoi il se sentait si bien, si haineux, avec eux. C'était mieux comme ça. Moins de questions.