Mémoires d’une prêtresse
(Première partie – L’enfance)
Du plus loin que je me souvienne, dès ma tendre enfance, ma mère était peu présente pour moi. Je jouais souvent seule dans ma chambre avec les innombrables jouets qui m’avaient été offerts. C’était une femme occupée, et je suis bien placée pour la comprendre maintenant, étant actuellement dans sa position jadis. Elle revenait très tard mais n’oubliait jamais de venir me chérir. À l’époque, j’admirais ma mère de se donner autant pour les citadins hastanes. Quand elle avait du temps, elle s’asseyait avec moi pour m’aider dans mes leçons. Elle lisait des histoires avec moi et même, parfois, il nous arrivait d’avoir des fous rires jusqu’à très tard le soir. Ce temps me manque terriblement maintenant. Ce temps où je me voyais en elle, et elle, en moi. Cependant, je dois d’abord mon éducation à ma défunte nourrice; Hannah De Montreuil, qui fut une réelle aspellor à mes yeux, et une véritable tutrice. Je ne partageais rien avec Hannah. Premièrement parce qu’elle était trop vielle et parce qu’elle était toujours trop fatiguée pour jouer. En revanche, c’est avec elle que j’eus les plus profondes conversations que mon jeune âge pouvait supporter.
Le nom de ma mère était Malycia D’Aveniel, que je suis fière de porter sous mon nom d’adoption; Ambrosius. Kiara m’avait adoptée lorsque ma mère rendit son dernier soupir, il y a de cela tant d’années maintenant. Ce fut la demande de ma mère, qui souhaitait que j’eusse une famille prête à prendre soin de moi et à me chérir autant qu’elle pouvait le faire elle-même. Je peux donc affirmer aujourd’hui appartenir à une famille décédée, qui m’est inconnue, mais à qui je voue un sentiment très fort d’appartenance. Je n’ai jamais eu le loisir de connaître mes tantes, décédées lorsque je n’étais pas encore venue au monde. J’ai cru longtemps être la dernière de la lignée D’Aveniel, jusqu’à l’arrivé improviste de mon grand-père; Cornélius.
Quand j’étais plus jeune, il m’arrivait souvent de me soustraire à la surveillance d’Hannah pour aller épier les mouvements de la ville. J ‘étais curieuse, et je trouvais fascinant de voir les gens s’agiter de gauche à droite. Je n’avais pas tôt fait d’être sorti que je voyais déjà ma nourrice me faire signe de revenir au manoir. En effet, il était rare que j’eusse des permissions pour sortir toute seule. Ma mère croyait sûrement qu’il m’arriverait malheur puisque nous étions en retrait des murs de Citria. En résumé, j’avais peu d’aspellors et je trouvais tout autour de moi des façons de me distraire. Je n’arrivais jamais à rester chez moi tranquillement. D’ailleurs, l’autorité me déplaisait, et je tentais toujours de me défiler en douce, ou de la contester. J’étais une enfant gâtée et capricieuse; j’agissais sous l’impulsivité et j’étais de nature forte et têtue.
Malgré tout cela, nous eûmes une période difficile au sein de la demeure familiale. Depuis quelques semaines, ma mère était malade et elle gisait souvent couchée, une serviette posée sur le front perlé de sueur. Hannah restait souvent à son chevet; même la nuit n’arrivait pas à l’en arracher, veillant sur ma mère à qui elle était particulièrement attachée. Je ne comprenais pas pourquoi celle qui soignait les gens n’arrivait pas à se soigner à son tour. Ce qui l’attendait m’échappait complètement, en raison de ma naïveté enfantine. Mais en la voyant ainsi souffrante, je m’étais alors promis d’apprendre le même métier, et qu’un jour, je pourrai la sauver de ces maux de tête affreux.
Son état ne s’arrangeait pas, et Hannah commençait à perdre espoir, de plus en plus inquiète au fil des heures. Mon jeune esprit ne s’attardait pas longtemps sur la position de ma mère, mais il m’arrivait de devenir soucieuse, surtout quand Hannah parlait tout bas avec Malycia. Que pouvaient-elles bien se dire pour qu’Hannah sorte de l’endroit, à ce point anéantie? Quoi qu’il en soit, chaque fois, je retournais à mes jeux et à mes livres, finissant par oublier la future tragédie qui allait changer le cours de mon existence.
( À suivre )
Merci à Sephora!