[Texte d'ambiance]
Je fais toujours le même rêve. Toujours. Et il devient de plus en plus fréquent à l’approche de ma Seconde Allégeance.
Je me trouve dans la Cathédrale de Citria. Une lumière éclatante inonde le bâtiment et il faut du temps pour s’habituer à la clarté. Je ressens comme une vague de fraicheur s’échapper des portes du fond, pourtant l’atmosphère me paraît si pesante. J’ai le genou droit posé au sol à quelques pas de l’autel, ma tête est inclinée respectueusement vers le bas. Je n’ose lever les yeux mais comprends que l’on me scrute. Tout Citria est présent dans la Cathédrale. Du simple badaud aux familles nobles, tous m’observent et me jugent. Mais je n’ai pas peur.
Je suis vêtu des plus beaux atours qu’un jeune homme ne puisse rêver. Je porte des étoffes venant des plus lointaines contrées. De multiples fils d’ors ont été brodés sur mes vêtements, témoignant l’importance du nom que je porte. Et pourtant je ne me sens pas aussi fier que je le devrais. D’où vient ce manque de confiance, alors que je suis d’habitude quelqu’un de si sûr de lui ? D’où vient cette crainte qui grimpe en moi alors que je devrais être un homme heureux de l’honneur qu’on lui fait ? Je ne peux me permettre d’avoir peur.
Mon regard se fait fuyant et j’aperçois sur ma droite ma Mère. Il s’agit d’une très belle femme, qui n’a l’air de souffrir des effets de l’âge. Sa chevelure flamboyante ondule au grès du souffle frais. De sa petite taille se dégage une aura si imposante qu’elle clouerait sur place le plus audacieux des hommes. Ses tâches de rousseurs la rajeunissent admirablement. Elle est vêtue d’une robe mauve somptueuse, dont les fils d’ors viennent broder notre Nom. Son regard est toutefois nostalgique. Elle me sourit faiblement, des larmes s’échouent sur ses joues rebondies. Est-ce de joie que ma Mère pleure ? Seraient-ce des larmes de tristesse ? Que suis-je pour lui inspirer ce sentiment ?
L’on m’appelle.
Je me relève et m’avance, puis pose un nouveau genou au sol devant mon suzerain. J’entends des rires étouffés et je devine les sourires s’esquissant sur des visages blafards. Qu’attend-on de moi ? Il est impensable que je recule à ce moment précis. De toute façon je ne peux pas. Je reste immobile, incapable d’effectuer le moindre mouvement et me soumet à la voix profonde qui s’adresse à moi.
« Il est temps pour toi mon garçon de montrer ta force, Liam.
Liam, Fils de …
De qui mon garçon ? »
J’ouvrais alors la bouche sans qu’aucun son n’en sorte. Je souhaitais répondre à la question qui m’était posé mais restait impuissant devant cette aphonie subite.
Je sens mon cœur battre de plus en plus fort. Je transpire, suffoque, je m’angoisse et m’effraie. Je ne peux ni me relever, ni me coucher. Je sens que l’on s’impatiente mais personne ne me vient en aide. J’essaie de chercher du regard une âme charitable à ma gauche.
Trois hommes sont assis sur des chaises en face de moi. Je les connais, ils sont importants pour moi. Pourtant aucun ne se penche vers moi.
Le premier est un homme basané, âgé d’une cinquantaine d’années, il arbore un visage fier mais emprunt du calme et d’un air de sagesse qu’on pourrait imputer à son âge mûr. Sa coiffure, sa barbe et sa vêture sont très soignés. Il porte un ensemble de vêtements faits sur mesure et dans les plus beaux tissus, témoignant d’une origine noble qu’il ne cherche pas à cacher. Son regard bleu est profond et apaisant. Il paraît cependant ailleurs. Il ne me regarde pas. Il est si calme. Sa peau pâlit, à en devenir translucide par moment. Il me paraît si loin, si distant…
Le deuxième homme est très différent. Il s’agit d’un bel homme qui se cache derrière une coiffure ébouriffée. Ses yeux d’un bleu azur transpercent la barbe naissante qu’il arbore. Ses vêtements se révèlent de simple facture, rien d’ostentatoire : un simple pantalon de lin et une chemise en coton. Il a l’air timide et nerveux. Lui non plus ne me prête pas attention puisqu’il est totalement accaparé par ma Mère.
Le troisième et dernier homme est bien plus costaud que les deux précédents. Il s’agit d’un homme grand, fier, musculeux, viril, arborant d’imposantes cicatrices. Il possède une peau hâlée et de longs cheveux aussi sombres que ses yeux. Il est en armure, un tabar surmontant celle-ci. On pourrait même dénoter une teinte d’arrogance dans sa manière de se comporter. Et bien que j’essaie d’attirer son attention, j’ai l’impression qu’il ne me voit pas.
« De qui es-tu le fils mon garçon… »
Je n’avais pas de réponse à apporter à cette question et me réveillais comme d’habitude à ce moment précis de ce rêve qui hantait mes nuits.
Il était tôt et pourtant je me levai. J’avais pris l’habitude de ces matinées et une fois le pas de la porte franchi, je me concentrais uniquement sur la vie qui m’attendait à Citria. Je devais me montrer digne de ma mère, de mes proches. J’avais fort à faire pour démontrer, moi, apprenti Chevalier, ce que je valais et faire honneur au nom que je portais avec fierté.
Je m’appelais Liam,
Liam Ambrosius,
Fils de Kiara Ambrosius,
Fils de Citria.