[Histoire + BG] Jusqu'à la fin des temps

[Pour votre bon plaisir, j'ai décidé de faire une version romancé de l'histoire de Lyliana et une personne dont je réserve la surprise que vous lirez. Vous comprendrez bien des choses, d'autres non... Nos BG suiveront à la fin de l'histoire! Bonne lecture!]

Chapitre un: Otages

- Maman!, hurla la petite Lyliana, ses pas précipités résonnant lourdement sur le sol de pierre.

Cassandre vint à sa rencontre, une terreur mal réprimée frissonnant le long de sa colonne vertébrale. Sa fille criait exactement comme elle l'avait fait, 1 an auparavant, lorsqu'une attaque de nuit avait tué son père, James Descieux. Elle saisit la gamine effrayée dans ses bras, la pressant de parler.

- Les ennemis... Les ennemis sont aux portes du manoir!, dit-elle en sanglotant.

Mais la jeune femme l'avait déjà compris. Le lourd cor résonnait au-dehors dans une lugubre complainte et les armures rutilantes cliquetaient sinistrement. Des clameurs furieuses montaient des remparts. Où étaient Marcus et ses deux fils? Se détournant des fenêtres, elle dévala les escaliers en direction de la grande salle, sa fille toujours dans les bras. Elle s'aperçu rapidement de son erreur. Avec effroi, elle chercha son frère parmi les dizaines de soldats qui se battaient devant elle, espérant qu'il était sauf. Lyliana gigotait dans ses bras, muette de peur. Lui intimant le calme, elle s'esquiva par un passage dérobé. L'angoisse nouait sa gorge alors qu'elle se pressait en direction de l'armurerie, où ses fils aimaient jouer. Peut-être y étaient-ils encore?

- Méderic? Christan?, appela-t-elle, tentant de contrôler le tremblement de sa voix.

- Maman...?

Elle soupira de soulagement lorsqu'une double réponse parvint timidement à ses oreilles. Les deux garçons s'étaient dissimulés sous les lourdes tentures qui ornaient la nudité des murs de pierre. Tremblant, l'impétueux Méderic décrivit avec force geste l'arrivée des guerriers venus s'approvisionner dans l'armurerie. Christan, plus impressionné, préféra garder le silence. Sa myopie l'empêchait de prendre plaisir aux faits d'armes dont son frère raffolait. Il en avait développé une capacité d'évaluation du danger qui aurait plu à son père.

Cassandre déposa sa fille au sol et fit taire Méderic. Dans le silence qui s'ensuivit, elle tendit l'oreille. La mêlée, au loin, se poursuivait à grand renfort de cris assourdissants. N'osant bouger, elle fit passer ses enfants derrière elle. Ils étaient trop nombreux pour qu'il soit possible de revenir à l'étage sans être découverts. Quand aux tentures, seuls les enfants auraient pu s'y cacher. Sans elle, ils seraient certainement tués sans délais. Les yeux à moitié clos, elle pria pour que Marcus les délivre rapidement.

Lorsqu'elle entendit l'écho de pas venant dans leur direction, elle su immédiatement qu'il ne s'agissait pas de son frère. Christan fit passer instinctivement sa soeur derrière lui et leur mère apprécia le geste chevaleresque. Le petit Méderic se dirigea résolument vers les épées qui, pour la plupart, étaient plus hautes que lui. La jeune femme, préoccupée par les bruits provenant du couloir, ne l'en empêcha pas. Elle savait que les soldats arriveraient sous peu. Lorsqu'ils firent finalement leur apparition dans l'armurerie, Méderic était cloué au sol par un bouclier et Lyliana était agrippée aux chausses de Christan qui était à demi caché derrière sa mère. Cassandre, quand à elle, était pétrifiée par une terreur abjecte. Les cris de protestation du gamin prisonnier avaient été couverts par ceux, plus menaçants, des bruits de ferraille que produisaient les armures des intrus.

- Une femme et des enfants, sire! Dans l'armurerie!, s'exclama l'un des hommes qui avait atteint leur cachette.

- Tuez-les!, fut la réponse.

Lyliana se mit à crier, s'agrippant de plus belle à son frère. Cassandre fit un pas vers eux.

- Je suis Dame Cassandre Descieux, veuve du chevalier James Descieux et soeur de Sire Marcus! Qu'avez-vous fait de mon frère?

- Dame Cassandre? Eh bien, en voilà une surprise !, fit le soldat en attrapant son bras.

Il l'attira à elle et l'examina. Ses frères d'armes s'emparaient déjà des enfants.

- Si vous êtes réellement la soeur de Marcus, nous avons plus de raisons encore des vous tuer, madame! Ces enfants sont les vôtres ou les siens?

- Les miens, répondit-elle les dents serrées, l'odeur de son haleine lui soulevant le coeur.

- Nous serons ravis de nous amuser avec eux! Darec! Finnlock! Passez les garçons au fil de l'épée!, cria-t-il. Quand à la fille...

- Arrêtez!

Une voix grave fusa du couloir. Aussitôt, les soldats se retournèrent et s'écartèrent avec déférence. Un homme de haute stature apparut. Son regard cruel glaça Cassandre jusqu'aux os. Elle regretta presque que les soldats ne l’aient pas déjà achevée. Quel que soit la raison pour laquelle il avait arrêté ces hommes, le sort qu'il leur réservait était indubitablement pire. L'homme aux cheveux d'ébène les toisa longuement avant de reprendre la parole. Lorsque sa voix déchira le voile de silence qui s'était étendu sur eux, elle était plus glacée que la mort.

- Ne les touchez pas. Dame Cassandre et ses enfants sont demandés par notre seigneur. Amenez-les dans ses quartiers!

Sa cape claqua sèchement lorsqu'il se détourna. Personne n'osa faire un geste avant qu'il n'ait disparu.

- Vous avez entendu, vous autres?, s'exclama soudain le soldat qui retenait Cassandre. Amenons-les!

Méderic se débattit dès que le bouclier fut relevé, mais il était trop jeune et trop faible pour opposer une lutte opiniâtre aux hommes faits qui le retenaient. Quand à Christan, il refusa catégoriquement d'être séparé de sa soeur. Ils acceptèrent toutefois de marcher côte à côte sans se débattre. Cassandre était toujours entravée par le soldat malodorant. L'angoisse qui lui nouait les entrailles n'avait fait qu'augmenter de volume depuis l'intervention de l'inconnu. Pourquoi le seigneur ennemi voulait-il donc la présence de la soeur de son rival et des enfants de celle-ci auprès de lui? Et surtout, surtout... Qu'était-il donc arrivé à Marcus?

- Quel dommage, ma jolie... Mais peut-être le seigneur acceptera-t-il de te laisser à nous lorsqu'il en aura fini?, susurra l'homme, lui envoyant des frissons de dégoût à travers tout le corps.

Elle était trop effrayée pour lancer l'une des répliques cinglantes qui avaient fait sa réputation. Elle suivit le soldat en silence. Ses enfants étaient atteints d'un mutisme aussi éloquent que le sien. Son coeur saignait de voir la peur supplanter toute émotion dans leurs yeux qui, à leur jeune âge, n'auraient dû connaître que le rire.
Lorsqu'ils arrivèrent dans la salle qui avait été l'appartement privé d'elle et son mari, Cassandre ferma les yeux. Ces salauds! Ils avaient osé profaner de leur présence impie le sanctuaire qu'elle avait élevé en mémoire de son défunt époux. Elle entendit l'exclamation étouffée de sa fille lorsque celle-ci contempla l'étendue des dégâts. La boue des pieds ennemis maculait les tapis orientaux que James avait aimés. La fumée noire des torches de suif dégradait lentement les portraits et les rideaux de qualité qui avaient ornés les murs de bois précieux. Et leur seigneur, un malotru puant et vicieux, s'était installé bien à son aise dans le fauteuil préféré de son mari.

Avant que quiconque ne l'en empêche, Méderic s'élança vers l'homme assis, son poing droit devant lui. Sa mère porta ses mains à son visage, horrifiée. Toutefois, le gamin fut rapidement intercepté par l'inconnu qui avait arrêté les soldats dans l'armurerie. Celui-ci maintint le petit d'une poigne de fer, laissant à son supérieur le temps d'oublier son geste.

C'est à cet instant que Méderic cracha à leurs pieds.

- Vous n'êtes que des porcs! Vous n'êtes même pas dignes de lécher le sol sur lequel mon père a posé les pieds.

- Ton père est mort, petit, rétorqua le seigneur d'un ton narquois. C'est sur mon ordre que les flèches enflammées ont été tirées!

- Il fallait bien des idiots de votre genre pour briser une trêve de façon si lâche!, répondit-il, lui renvoyant son mépris au centuple.

Le seigneur s'assombrit. Quel homme fait pouvait prendre ombrage des paroles d'un enfant impubère? Et pourtant, l'homme bouillait visiblement de rage mal contenue. Cassandre le fixa, confuse, alors qu'il reprenait lentement maîtrise de lui-même et que Méderic réalisait la pleine portée de ce qu'il avait dit, sans toutefois faiblir sur sa position.

Lorsqu'elle estima qu'il était sans danger de prendre la parole, la dame repoussa le garde malodorant qui ne la retenait plus que sommairement.

- Qu'avez-vous fait de Marcus? Où est mon frère?

Sa voix était plus ferme qu'elle ne croyait qu'elle serait. Le seigneur se tourna vers elle.

- Eh bien, madame, c'est justement la raison de votre présence ici. Vous et vos enfants servirez d'otage.

- Dois-je en comprendre qu'il n'est pas ici?

- Marcus s'est échappé en compagnie d'une quinzaine d'hommes, dit d'une voix posée l'homme qui retenait toujours Méderic. Nul doute qu'il reviendra sous peu.

- Et s'il ne revient pas..., ajouta le seigneur d'une voix mielleuse.

Il fit claquer ses mains l'une contre l'autre. Aussitôt, Cassandre vit une vingtaine de soldats crasseux et couverts de sang se presser à la porte.

- Dans trois jours, si Marcus n'est pas revenu, tuez l'un d'entre eux. Maintenant, enfermez-les séparément dans leurs appartements.

La jeune femme sentit malgré elle ses poumons se vider de l'air vital. Elle ne pouvait accepter le sort qui lui arrachait ainsi sa progéniture. Elle se débattit et cria tant qu'elle put. Néanmoins, ce fut en vain. Un nouveau soldat la retint et profita de ce qu'elle se débattait pour la peloter sur le chemin. Elle entendait ses enfants pleurer, apeurés par les cris de leur mère. Elle était incapable de s'arrêter. Son esprit était complètement dominé par une terreur abjecte. Elle ne retrouva son calme qu'une fois emprisonnée dans la chambre qu'elle avait autrefois partagée avec son mari. L'environnement familier accueillit ses pleurs et sa douleur dans un silence qu'elle ne croyait plus percevoir un jour. Autour d'elle, Cassandre entendait l'écho des ans passés se presser à ses oreilles tel une vague de souvenirs murmurants.

Cette chambre, elle y avait vécu avec son mari dix ans durant. Ce n'était qu'à l'aube de la onzième année qu'elle s'y était retrouvée seule, puisque la bienséance lui commandait de faire chambre à part avec Marcus. Son frère avait su reprendre en main la famille de sa soeur que le chevalier James Descieux avait quitté malgré lui. Cassandre devait lui en être à jamais reconnaissante. La pensée qu'il eut pu être blessé ou pire, tué, lui tordait le coeur comme rien d'autre au monde n'aurait pu le faire. À présent qu'elle le savait au loin, seule lui importait la vie de ses enfants. Comment les sauver en étant coupée d'eux...?


[À suivre]

Je viens de trouver mon maître de lecture, c'est trop beau la façon dont tout est décrit .. .

La suite la suite ! vivement qu'elle arrive, c'est vraiment bien écrit ce n'est pas trop lourd à lire et c'est beau. J'adooooore !

[Suite du Chapitre deux]

Lorsque la brunante s'annonça d'un banc de brouillard cotonneux, un fracas dans le couloir lui fit lever les yeux du tissage avec lequel elle s'occupait les mains. Fronçant les sourcils, elle déposa son ouvrage et s'approcha de la porte dans l'intention d'y coller l'oreille. Avant qu'elle ne puisse faire plus de dix pas, le battant s'ouvrit et heurta le mur tapissé. Furieuse en voyant de qui il s'agissait, elle se détourna rageusement et tourna le dos à son visiteur. L'homme, habillé comme toujours de sa cotte de maille et d'une cape noire, referma la porte de bois plus délicatement qu'il ne l'avait ouverte et se retourna vers elle.

- Madame, je viens vous faire part de la décision de notre seigneur, dit-il d'une voix hachée.

Aussitôt inquiète, la jeune femme le regarda. Le visage inexpressif, sa tension n'étant perceptible que par la raideur de son maintien, il hocha la tête en sa direction.

- Il vous annonce officiellement que puisque ses gardes ont échoué à surveiller vos enfants...

À ces mots, elle reprit de l'espoir. Il admettait sa faute! Peut-être pourrait-elle les reprendre avec elle?

- ... Ils seront tués demain sans faute, à moins que vous ne lui livriez votre fils avant l'aube.

- Quoi?!

Les yeux exorbités, la bouche ouverte, Cassandre était l'image même de l'horreur.

- Il nous avait donné trois jours! Nous n'en sommes qu'au premier! Il n'a pas le droit!

- Je vous avais averti, madame, dit l'homme à voix basse. Vous n'auriez pas dû le défier. Il vous a vaincu, il a donc tous les droits sur vous.

- Dites-moi sincèrement, est-ce que votre seigneur nous aurait véritablement épargnés si je m'étais tue?

Incapable de s'en empêcher, la jeune femme avait croisé les bras, attendant la réponse dans un silence rageur et désespéré à la fois. L'homme la regarda un instant, puis hocha la tête à nouveau.

- Nisi, probablement pas, admit-il. Il déteste les enfants. Toutefois, votre peine eut pu être moins lourde.

- N'y a-t-il rien à faire?, murmura-t-elle, momentanément soumise. Je pourrais aisément le séduire...

Mais l'homme aux cheveux d'ébène éclata alors de rire.

- Le seigneur déteste les femmes plus encore qu'il ne hait les enfants. Même avec tous les charmes du monde et la meilleure volonté existante, vous échoueriez lamentablement en cette entreprise. Madame, ajouta-t-il en reprenant l'air grave, la seule chose qui pourrait vous être salutaire serait la capture de votre fils et celle de Marcus.

- Que voudriez-vous donc que je fasse?, s'écria-t-elle, éperdue. Que je livre les vies des êtres qui me sont les plus chers pour sauver la mienne?

- C'est la seule solution, ne le comprenez-vous pas?

La voix du soldat, empreinte de chagrin, contrastait douloureusement avec ses yeux froids, atones, effrayants par leur vacuité émotionnelle. Cassandre, fasciné malgré elle, resta silencieuse alors qu'il poursuivait.

- Il ne s'agit pas seulement de votre vie! Vous pourriez sauver deux de vos petits. Est-ce que leur vie à eux ne vaut pas celle de votre frère? Où qu'il aille, Marcus sera tué! Dénoncez-le! Dites au seigneur où il se trouve!

- Taisez-vous.

La phrase était glaciale. Loin d'avoir convaincu la jeune mère, le discours de l'homme avait accru son horreur.

- Croyez-vous vraiment à ce que vous dites?, dit-elle furieusement. Vous savez tout comme moi que peu importe ce que nous ferons, votre seigneur nous tuera tous. Si j'avais véritablement pensé pouvoir épargner mes enfants uniquement en dénonçant mon frère, je l'aurais fait, ne vous en déplaise. Avec dégoût de moi-même et culpabilité intense, mais je l'aurais fait pour que mes enfants puissent vivre et être heureux pour toujours!

Les yeux cruels de l'homme, incompréhensible, s'adoucirent. Elle poursuivait, visiblement implacable.

- Mon frère Marcus est un homme droit qui n'a jamais voulu que la justice. Mon fils Méderic est impétueux, certes, mais sa bravoure excède celle de votre seigneur. Même si je savais où ils se trouvent, je ne faciliterais pas leur capture dans le pathétique espoir de voir le reste de ma famille épargnée. Je sais très bien qu'il est futile d'oser croire qu'une telle chose puisse être possible.

Chaque mot enfonçait davantage le clou qu'elle avait planté dans le coeur de l'homme qui lui faisait face. Néanmoins, elle n'en avait cure. Sa colère dépassait l'entendement. Ce qu'elle avait retenu des heures durant ne pouvait plus être ignoré.

- Vous ignorez donc vraiment où ils se trouvent?

Ces simples mots coupèrent l'élan de Cassandre. La question, posée d'une voix douce, eut pour effet de briser les digues déjà affaiblies par la fatigue et la détresse. Effondrée, elle se mit à pleurer et hocha négativement la tête.

- Nisi, je ne sais pas, sanglota-t-elle.

Un long moment passa. Isolée en son chagrin, la jeune femme tentait en vain d'arrêter le déluge. L'homme, embarrassé par ce débordement, attendait patiemment qu'elle reprenne la maîtrise d'elle-même. Par courtoisie, il lui offrit son mouchoir immaculé. Ce qui en d'autres circonstances l'aurait offusquée, mais qu'elle fut sur l'heure bien aise d'accepter.

- Pardonnez-moi, dit-elle à mi-voix en essuyant ses pleurs.

- C'est tout naturel, fit l'homme en reprenant sans broncher le tissu humide.

Elle le regarda à nouveau et constata qu'il n'avait plus l'air aussi mauvais. Bien sûr, ses cheveux noirs conféraient de l'ombre à son visage qui, finalement, semblait bien plus franc que la plupart des hommes qu'elle avait rencontrés. Ses manières étaient celles d'un gentilhomme tout à fait respectable, même pour un ennemi.

- Quel est votre nom?, lui demanda-t-elle presque timidement.

- Maylard, lui répondit-il, étonné. Adam Maylard

- Vous êtes le cousin du seigneur, n'est-ce pas? Mon frère parlait de vous comme d'un adversaire d'honneur. Pourquoi tenez-vous tant à sauver ma famille?

Le soldat eut soudain l'air pris dans un souvenir d’un ineffable beauté. Sa voix même, lorsqu'il parla, en parut transfigurée.

- Vous savez, madame... J'ai eu un fils, autrefois. À cinq ans déjà, il brandissait son épée de bois comme un futur petit roi. À sept ans, il était blond, droit, il parlait haut et ferme comme son rang le lui commandait. Ma femme avait beaucoup de difficulté à engendrer, mais elle était enceinte à l'époque et nous attendions avec bonheur la venue d'un nouveau petit être dans notre foyer.

Puis, tel la foudre qui s'abat sur un chêne centenaire, ses épaules retombèrent, sa figure se crispa et sa voix devint atone.

- Mais il y eut une épidémie de fièvre dans notre famille. Ma femme et mon fils furent emportés. L'enfant qu'elle venait de mettre au monde également. Il s'agissait d'une petite fille. Dans mes songes, je l'imagine comme l'était ma femme, avec son sourire et ses yeux brillants. Mon fils l'aurait sans cesse couvé, il était pourvu d'un instinct protecteur si exacerbé...

Il détourna le regard, passant une main à sa nuque.

- Votre Méderic ressemble beaucoup à mon fils, madame. Et votre Lyliana possède les yeux qu'aurait eu ma petite Emilie. Les enfants ne devraient jamais être victimes de la guerre des hommes.

Cassandre, émue, posa par compassion sa main sur le bras de l'homme brisé qui se tenait devant elle. Doucement, elle osa élever la voix.

- Alors aidez-nous. Aidez-nous, je vous en supplie! Ne les laissez pas les tuer...

Maylard, figé, la regarda. Il savait ce qu'il risquait en acceptant sa demande. Toutefois, la vie des enfants de la jeune femme ne valaient-ils pas ce risque? Immobile, il réfléchit rapidement. La jeune mère vit soudain qu'il avait pris une décision.

- Soit. Je vous aiderai. Cette nuit, peu avant l'aube, je reviendrai vous chercher.

Sans une parole supplémentaire, il tourna les talons et quitta la chambre. À la fois médusée et ébahie, Cassandre sentit avec effroi son coeur trembler. Une petite lueur d'espoir, si fragile, venait d'y naître.


[À suivre]

Ahhhhh ! Un seul : MAGNIFIQUE !

On est plongé dans cette histoire ! C'est super agréable à lire et franchement j'adore ! La suite la suite !

[Suite du chapitre trois]

- Adam, appela-t-elle. Où est Christan?

Le soldat ne répondit pas. Un terrible pressentiment l’envahit lorsque la petite, cachant le peu de son visage visible à travers le foin, se remit à pleurer.

- Maman!, chuchota Méderic. Qu’est-ce que tu fais!

- Adam!, hurla-t-elle. Vous avez oublié Christan!

- Taisez-vous! Nous arrivons à la barrière!

N’écoutant que son courage, la jeune femme ne voulut rien entendre. Cahotant au gré de la route, elle tenta de rejoindre l’air libre sans se laisser découvrir. Au moment où elle y serait parvenue, le chariot s’arrêta. Figée de terreur, presque visible dans la paille, elle cessa tout mouvement.

- Alors, manant, que fais-tu sur cette route?, entendit-elle.

- Je reviens chez moi, dit Maylard d’une voix étouffée et nasillarde. Après avoir livré mon avoine au nouveau seigneur en allégeance.

- Tout seul?, demanda une seconde voix.

Cassandre n’entendit pas la réponse. Le temps lui parut soudainement distordu et beaucoup trop long. Pourquoi n’étaient-ils pas encore repartis? Quand le véhicule se remit en marche, son soulagement fut si grand qu’elle en pleura presque. Celui-ci fut de courte durée car à ce moment, un cri retentit.

- Arrêtez! Personne n’a reçu l’autorisation de passer!

La tension de Maylard était si forte que les trois passagers clandestins la sentirent jusque dans les tréfonds de leur âme.

- Ne vous êtes pas aperçu que le manoir avait été assiégé?, hurla la voix.

- Haec monsieur, c’est bien pour ça que je pars, dit le soldat déguisé.

- Descendez de votre charrette!

La jeune femme serra convulsivement ses enfants contre elle. Cassandre n’entendait plus les paroles échangées, mais elle sentait instinctivement que les choses se passaient mal. Puis, un bruit de déchirure et des exclamations résonnèrent dans l’air ambiant.

- Seigneur Maylard! C’est vous?

- Déserteur! Aux arrêts! Fouillez le chargement!

Désemparée, Cassandre ferma les yeux. Tout était fini.

- Voyons, qu’avons-nous là… Dame Cassandre! Quelle surprise!

Le garde lui empoigna la taille, laissant Lyliana et Méderic aux soins des autres. La jeune femme reconnut avec horreur le soldat malodorant du premier jour. Elle se débattit, sans succès. L’homme la tenait fermement.

- Quel dommage que le seigneur offre une prime pour vous… Car c’est la deuxième fois que l’occasion de vous détrousser m’échappe!

Riant grassement, il la ramena au manoir. Devant elle, des hommes encadrèrent celui qui avait tenté de les sauver. Abattu, il semblait avoir perdu toute sa fougue, confronté à l’échec une seconde et dure fois dans sa vie. Elle voulu l’appeler, mais au moment où elle ouvrit la bouche, sa tête fut ramenée si violemment en arrière qu’elle se mordit la langue. Ses enfants étaient silencieux également. Dans la grande salle, la bataille était terminée. Une fois de plus, le sang brunâtre maculait les murs de taches psychédéliques atroces. Des corps déchirés gisaient au sol, formant un tableau à faire vomir un habitué. Le trajet fut de courte durée, heureusement. Cassandre ignorait combien de temps elle aurait pu tenir ce cauchemar.

Ils revinrent tous les quatre vers les quartiers où s’était installé le seigneur. Ils n’eurent pas à se rendre à l’intérieur. Au bout du couloir, l’ennemi mettait en joue un homme de son épée rougie de sang. Cet homme était Marcus. Le visage réjoui du seigneur donna la nausée à la jeune femme. Ses dents aussi jaunes que ses doigts juraient avec la grisaille des murs de pierre et des cottes de mailles. Sinistre, son ombre couvrait celle de son frère dans un présage affreux. Le jeune homme, la tête basse, semblait à peine conscient de son entourage. Elle se débattit tant et si bien qu’elle fut retenue par trois gardes qui profitèrent à nouveau de son impuissance. Grimaçante, la jeune mère alterna coups de pied, morsures féroces, cris enflammés qui firent regretter à ses agresseurs leurs mains baladeuses. Elle hurla, incita ses enfants à faire de même, évita des coups et que lorsqu’un garde plus intelligent que les autres tira sa dague et la lui pointa sous le menton. Elle était satisfaite. Le seigneur s’était détourné de son frère.

Dans le calme revenu, un soldat s’approcha de celui qui s’était autoproclamé roi.

- Monseigneur, nous avons arrêté Sire Maylard qui tentait de franchir la barricade avec Dame Cassandre et ses enfants.

- Eh bien, eh bien… Je t’avais averti cousin!, dit-il d’un ton narquois en s’approchant de lui. Tu es sur mes terres! C’est ma loi qui prime! Je vais devoir te punir…

- Fais ce que tu veux… Mais épargnes les enfants!, gronda l’homme aux cheveux d’ébène.

Un rire sinistre fut le seul écho offert en réponse à sa supplique.

- Ils te plaisent, ces enfants, Adam?, le nargua son cousin en s’approchant de lui. T’imagines-tu passer la nuit avec eux? Le garçon est suffisamment blanc et doux, petit et tendre… La fille n’est pas encore sortie de l’enfance! Et ils ressemblent tant à tes enfants chéris… Deux êtres innocents livrés à ton bon plaisir! Ça te plait, cousin?

- Tais-toi !, hurla Maylard, l’horreur parfaitement visible au fond de ses prunelles de jais. Nisi! C'est faux! Il n'y a que toi pour songer à une telle chose!

Cassandre, effondrée, n’en croyait pas ses oreilles. Était-ce la seule raison pour laquelle le soldat avait souhaité l’aider? Parce qu’il était attiré par ses enfants? Elle savait que de telles pratiques étaient parfois acceptées dans le village et sûrement ailleurs. Une attitude semblable n’aurait pas dû la surprendre et pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir les affres de la déception envahir son cœur en sondant le visage de celui qui lui avait porté secours. Il semblait tout nier, mais qui devait-elle croire?

Méprisant, le seigneur poursuivit sa rengaine sans se préoccuper du drame intérieur que vivaient ses vis-à-vis.

- Et l’autre, Adam? Ça t’a plu de le retrouver dans son sang?

Il empoigna le revers du vêtement du soldat et susurra ses dernières paroles.

- Tu aimes bien ça... J'en suis certain, c'est moins difficile de leur faire ce qu'on veut lorsqu'ils sont morts...

Maylard, se libérant de ses entraves, frappa violemment le seigneur ennemi qui s’écrasa au sol. Les gardes le maîtrisèrent aussitôt, le tabassant au sang pour son impudence. Derrière eux, la bouche figée en un cri terrible, la jeune mère comprit le sens de ses paroles.

Christan était mort.

Prise de folie, elle se débattit férocement, perdant conscience des gens autour d’elle. Soudain libre, elle se précipita vers le monstre par terre, la bête qui avait assassiné son fils. Elle portait toujours la dague que Marcus lui avait confiée. Avant que quiconque ne puisse l’en empêcher, elle enfonça l’arme vengeresse sous le bras gauche de l’homme, dans la jonction entre le plastron de l’épaule et la cotte de maille. Un grand silence tomba sur l’assemblée. Lentement, Cassandre se releva, hébétée. Des flots de sang coulaient sur le sol, provenant du corps affalé du seigneur. Celui-ci, un air surpris sur son visage ingrat, n’avait pas conscience d’agoniser.

- Tu… Tuez-les, souffla-t-il, à bout de force, avant de retomber contre les pierres érodées.

À ce moment-là, Marcus s'était redressé, renversant les gardes qui le maintenaient. Avec le peu de force restante, il s'élança vers sa soeur pour la protégée d'un coup mortel. Il l'endossa en gémissant. La main tendue vers l'avant, il parvint à pousser son assassin avant de sombrer dans la mort. Le soldat trébucha sur un chandelier, aussitôt les tapisseries prirent en flamme. Le feu progressa rapidement dans la salle, alors que Adam gardait les gardes en respect. Ce fut un signe que comprit Cassandre qui courut vers ses enfants. Elle agrippa Lyliana qui toussait dans la fumée noire. Parcourant la salle avec fougue, la jeune mère découvrit la cachette préférée de Méderic et poussa sa fille dans la fissure. Lyliana se pressa contre la paroi rocheuse en pleurant.

- Ne dis plus un seul mot, si jamais tu parles, ils te trouveront!, cria Cassandre, toute tremblante. Lyliana, je t'aime ma belle...

La jeune femme sentit aussitôt une brûlure, un déchirement terrible dans son dos. Elle tomba à la renverse. Lentement, elle regarda son meurtrier; l'homme malodorant afficha un sourire cruel. Cassandre ne put résister quand il se jeta sur elle, tremblant d'envi. Elle supporta dans un silence sépulcral tout ce qu'il eut envie de faire d'elle. Sa tête se retrouva si près de la cachette de Lyliana que celle-ci put compter une à une les faibles plaintes de sa mère, couvertes par le souffle brutal de son assaillant. À aucun moment l'enfant ne bougea ni ne parla, et là, paralysée de terreur, elle vécut tout le supplice de sa mère qui allait peu à peu à sa mort. Entassée dans le fond, l'esprit vide, submergée de nausées, elle tremblait et son corps était couvert de sueur froide.

Méderic avaient été laissés sans surveillance. L’homme aux cheveux d’ébène tenta péniblement de le retrouver. Il tua et repoussa les ennemis qui formaient autrefois ses frères d’arme, sa famille. Malgré tous ses efforts, le petit avait disparu... Il était peut-être mort parmi les autres. Adam parvint difficilement à sortir de la salle, échappant de peine l'incendie. Seul, errant dans la cour, il ne remarqua même pas les ennemis qui s'approchaient dangereusement. Il se fit embrocher par le même garde qui avait tué Cassandre.

Sa dernière pensée inconsciente fut pour les enfants de cette dernière.

« Je vous en prie, mon Cilias, recevez mes excuses et faites qu’ils vivent heureux jusqu’à la fin des temps! »


[Voilà, l'histoire est terminé! Toutefois, Méderic et moi songeons à faire un prologue qui sera notre «BG» afin que vous compreniez ce qu'il adviendra d'eux. Soyez patient, nos BG seront disponible bientôt!]

Franchement c'est super bien écrit et magnifique ! J'ai hate de luire la suite de ces histoires qui sont superbement bien romancées !