Longtemps qu'elle ne l'avait revu, qu'elle s'était bercée à nouveau sous cette mélodie, s'envolant là où le rythme les entraînait dans un silence complice. Depuis un certain temps et les retrouvailles de sa soeur, il était plus fréquent de voir Mélandra vagabonder en Citria sous les rayons ardents du soleil. Mais depuis leur dernière rencontre, là où son coeur avait chanté poème improvisé, il n'avait pas refait fi de sa présence. Les jours avaient passés, et il n'était pas rare de retrouver la gitane assise seule devant la fontaine de la place publique, le regard perdu dans les flots de l'eau ruisselante sous le seul regard des astres. Son regard rêveur se perdait au gré des étoiles, se demandant où ce barde mystérieux était bien passé alors que leur tradition voulait leur rencontre sous les témoins des lumières nocturnes.
Le temps avait passé, quelque peu, et elle avait fait connaissance de son beau-frère, Antares, ainsi que de sa famille. Les frères d'Ortana, Antares et Seidal, Samarah et même Roland était les mieux placés pour lui changer les idées, alléger son coeur rêveur et lui faire vivre la réalité avec appréhension. La barrière chèrement érigée à son coeur commençait à s'émailler, lui laissant quelques failles à laquelle elle n'avait pu résister. Un voile de nouveauté, d'allégeance, de sentiments venaient la tirailler et attiser sa joie de vivre, venant réduire doucement le nombre de fois où elle se retrouvait là, assise, devant la fontaine, à attendre la nuit passée. Il avait le pouvoir de chasser ses anciennes pensées, de la sentir vibrante dans le présent, confiante en ce qu'ils pourraient devenir, ensemble.
Jusqu'à ce qu'elle se retrouve par hasard devant le panneau d'affichage, son regard de lune parcourant les lignes avec avidité et surprise, le coeur battant la chamade. Ce ne pouvait qu'être lui... sa façon d'écrire, ces rimes chantantes, cette émotion habilement dissimulée. Il était toujours en Citria, depuis tous ce temps passé depuis leur dernière rencontre. Un pincement au coeur, elle se força à relire les lignes une dernière fois, comme pour les graver en elle et gonfler ce sentiment d'incertitude qui la rongeait. Cette peur ressentie à l'affaissement des barrières aurait dû la prévenir... ce sentiment était trop traître, trop dangereux, comme elle pouvait le détester et l'apprécier à la fois !