À Aior.

Une missive enroulée parvient à vos bureaux. Elle se démarque particulièrement du tas de paperasse au vue du loup grossièrement dessiné sur le rebord roulé. Le loup, coloré avec du charbon et des effluves de plantes pour les yeux, laisse vos yeux se posés sur celle-ci.

Bonsoir Aior !

Notez ce jour d'un X au calendrier de votre vie ! Vous recevez une missive sur votre bureau avec un joli petit dessin qui vient de votre fille... ! Malheureusement, comme j'ai pas trois ans non plus, la missive sera largement ennuyeuse à la fin de cette phrase-ci.

Ci-joint mon rapport de l'incident d'après notre séparation, devant la Caserne (J'ai pas envie que mes mots soient déformés par le rapport de cette incompétente d'aspirante).

Citation :

Date : 12 février.

Sujet : La dame avec des ailes qui vole.

Témoins :
Partie 1 : Amadéo Fanel, Milan, Théodoric Decasius, Lyan.
Partie 2 : Lyan.
Partie 3 : Lyan, Mystra de Rochecolline, Séphora d'Argon, Théodoric Decasius, Milan, Rosiana, Nol', et une daelwena.

Faits :

Quand Milan est venu à notre rencontre, durant notre magnifique et très intéressante dispute, j'ai profité de l,occasion pour fuir votre présence et le suivre, lui. Nous nous sommes rendus sur le pont qui sépare les deux quartiers de Citria, ou l'aide-diplomate Milan avait entendu de drôles de bruits. On a pas eu besoin de beaucoup chercher pour voir une jeune Nargolith, aux ailes de glaces, cheveux de laves et corps blanchâtre accroupie dans les fleurs. C'était la même que celle de la dernière fois.

Cette fois-ci, il n'y avait pas un amas de gens, nous étions deux, non combattants, de nature pacifique, alors la situation a pris une autre tournure que celle rencontrée précédemment. Notre manque d'animosité envers elle l'a mise en confiance. À l'arrivée d'Amadéo, elle s'est même approchée tranquillement. Elle ne parlait pas, mais elle nous observait, semblait-il, avec une vive curiosité. Après un moment, elle s'est approchée encore davantage et s'est mise à me regarder de très prêt. On a alors su qu'elle était aveugle, les yeux aussi blancs que la neige. Elle me tapota le minois, les mains, les bras et le corps pour définir ce que j'étais, avec une curiosité infinie. Elle semblait surprise, comparant ses trouvailles avec elle même. Et je crois que le tout lui inspira confiance.

Elle m'agrippa dans ses bras et nous nous sommes élancés dans les airs, moi, subissant ce baptême de l'air totalement involontaire.

Elle m'a déposé au centre du volcan, ou j'ai enfin retrouvée la terre ferme. Elle était décidée à assouvir sa curiosité. Quand un dragon est venu a notre rencontre, hostile, elle l'a démonté d'un ou deux coups de griffes pour me protéger et, ainsi, continuer notre rencontre. Elle m'a assise sur le rebord d'un pont, question que nous puissions discuter.

Le tout s'est déroulé sans le moindre encombre. J'ai ainsi découvert que ses cheveux étaient de laves, ses ailes de glaces si froides qu'elles brûlaient la peau, qu'elle était dénuée de mâchoire inférieur, ce qui la rend muette, et qu'elle était aveugle. Qui plus est, l'eau a une propriété régénératrice sur sa personne. En lui parlant, j'ai découvert qu'elle était bel et bien humaine. Ce n'est pas un monstre. Elle est capable de curiosité, d'affection, de protection, de soins, de sourires, de rires et d'appréciation. Elle a une vive envie de compagnie, de découvertes et de sécurité. Ce n'est donc, après mes observations, pas un monstre.

Son comportement offensif vue précédemment n'est que le résultat de notre propre comportement. En levant les armes contre elle, nous la mettons dans une situation d'inconfort, d'insécurité et de craintes. Elle n'est pas civilisée, elle ne connaît rien du monde extérieur, donc elle attaque. Il faut la mettre en confiance, et cessez de la considérer comme un monstre pour pouvoir avoir une approche convenable. La preuve, quand la déléguation venue à ma rescousse est arrivée, armée, elle s'est aussitôt mis en garde, levant ailes et griffes pour me protéger, mais dès qu'ils ont baissés leurs armes et mis pieds à terre, elle s'est calmée, et a repris sa place assise sur le pont.

Il n'y a donc eu nuls incidents.

Je crois profondément qu'elle est une victime de l'histoire, une femme et une Teilienne qui est élligible à tous les droits conséquents.

Fin du rapport.

Élyane.

N'est-ce pas magnifique, Aior, disais-je, une lettre comme ça, toute agréable, pleines d'informations et de ci et de ça ? Par ailleurs, j'aimerais préciser à votre personne que Mystra m'a frappée, en soirée, parce que je lui ai avoué que je la considérais comme une Éteinte, précisant qu'il s'agit d'une de mes trois catégories de femmes. Personnellement, je trouve ça déplacé. Elle n'avait qu'à pas aller dire qu'elle «avait passé à côté d'une prime de 1 000 000 pour la tête du ''monstre''» et je me serais pas emporté. Bref, on en rediscutera.

Élyane.

P.S : C'est quoi, la raison ?

Aior,

J'ai tout gâché. J'ai plus envie, maintenant. Ça ne va plus, il n'y a plus rien qui va. Je suis désolée, tellement désolée. J'ai pas envie de vous voir, j'ai pas envie de vous faire face, et pourtant vous êtes celui que je préférerais pour ça. Je sais pas... comme si c'était correct si vous m'engueuliez, vous. Milles fois plus correct qu'une gamine de la même âge que moi qui se croit supérieur, et qui croit en connaître davantage, être tellement plus sage...

Non, tout tourne incorrect. Tout est incorrect. Rien ne va. Même si j'aurais voulu que tout soit bien, tout est mal. J'y peux rien. Tout ce que je dis est le contraire de ce que je voudrais dire, tout ce que je fais est le contraire de ce que je voudrais faire. Je suis désespérée. Je suis un éladrin qui a perdu son espoir. Toutes mes plumes tombent et tout tombe et tout s'écroule.

J'ai peur, Aior. Je n'ai pas la force de recommencer à bâtir ce que j'ai bâti à Citria. Je n'ai pas envie de me plié aux caprices d'une évêque qui, dieu, pourquoi elle y est ? J'ai pas envie d'être dans cette Citria si étroite d'esprit, qui considèrent mes mots comme des hérésies plutôt que de tenter d'y comprendre. Aior, je suis plus capable ! Quelque chose ne va plus, le monde ne tourne plus, ou n'est plus immobile, à voir, je sais pas. Je ne sais plus quoi faire ni ou regarder, je suis perdue.

Et mes loups... et mes loups... il y a que Svénix pour m'étreindre. Vous y croyez ? Même Svénix elle le considère comme une créature vile du mortulum parce qu'il est nébulix d'hiver... Vraiment ? C'est ça l'opinion du très saint clergé ? Comment suis-je censé y porter ma foi, en ce clergé qui est à des lieux de la vérité, ou de la mienne, en tout cas ? C'est vraiment être hérétique que d'avoir une avis différente sur les autres peuples ? Que de voir les différences, que de vouloir évoluer plutôt que de s'encroûter dans la tradition ? C'est être hérétique d 'ouvrir ses horizons à toutes les races, et non pas à la notre uniquement ? De voir le bon en des gens qui ne semblent pas en avoir, mais qui en ont, autant qu'on a notre mal, et d'y mettre sa foi et sa confiance ? Je ne crois pas que ce soit hérétique. Tout le monde mérite une seconde, et une troisième s'il le faut, chance pour rejoindre le droit chemin. Les non-hastanes également. Je suis hérétique de penser comme ça ?

Je suis hérétique de vouer mes actes, ma vision et mes paroles à Esdraban et Adaelle, de peine et de misère, plutôt que de les vouer à un moule créée de toute pièce par des gens, comme moi, tout à fait comme moi, qui n'en savent pas plus que nous en savons ? Le clergé est juste un regroupement de gens qui ne communiquent pas davantage avec le divin que je ne le fais. C'est hérétique de ne pas leur vouer une foi aveugle, et de ne pas adhérer à tout ce qu'ils disent ? Et la monarchie ? C'est hérétique de ne pas s'y sacrifier pour le bien commun, mais d'avoir une opinion bien à soi ?

Vous savez quoi, Aior ? NON ! Non je ne le suis pas ! Je ne le serai jamais ! Je sais très bien ce que je suis, et ce n'est pas un hérétique qui voue sa foi à Kalos ou à Narshoul. Alors, vous savez, je ne le suis pas. J'ai juste une foi différente, et je la crois pas moins bonne, moins pure ou moins belle. Que celui qui pense comme ça ne mette en doute sa propre foi. Moi, je ne doute pas de la mienne. Je ne doute plus. Je suis Hastane, quoi qu'on ose en dire, et je le serai jusqu'à ma mort. Et je ne suis pas hérétique, que non ! Et je le sais car je suis moi, et que nul ne me connaît mieux que moi. Et savez-vous, Aior ? Je suis persuadée que le feu ne brûlera pas à mes pieds.

Mais j'ai peur, Aior. Plus personne ne prend la peine de me comprendre, on me condamne. On a trouvé l'excuse idéale, la raison idéale, pour me baîllonnée. Je suis en train de perdre la tête, je ne retiens plus rien, plus personne, j'y arrive plus.

Si vous voulez sauvez votre peau et vous déliez de ma pseudo hérétique personne, je vous pardonnerai. Vous ne méritez pas autant d'ennui. Vous ne méritez pas une fille avec autant de soucis. Honnêtement. Ne vous sentez pas forcer d'être avec moi sur ce coup-ci, je ne vous imposerai pas égoistement ça.

Je vous aurai aimé, comme père,
Élyane.

Aior,

Vous êtes d'un génie à saluer. Merci de couper la seule corde qui me retient à Citria. Sans diplomatie, qu'est-ce qu'il me reste pour être utile et intéressé aux affaires de la pas-si-Blanche ? Vous m'arrachez ma seule source de motivation. Prenons le seul diplomate impliqué, actif et utile de Citria et changeons le en moine (parmi quelques centaines) désinteressé, flasque et d'une inutilité démotivée, nous aurons la pire dégénération morale et sociale utilitaire. Est-donc la seule chose que vous avez trouvé, que de tout bousiller ce pour quoi j'ai travaillé, ce pour quoi je suis encore ici ?

Ça ne vous a jamais traversé l'esprit, au minimum, de me faire faire les deux ?

Félicitez-vous, je suis en perdition morale. Souhait accompli.
Lyan.